Il avait le regard fixe...

Coude à coude, si j'ose dire, puisque nous étions pris dans une file qui s'éternisait au pas, portière à portière donc j'osais un regard sur ma gauche. Le feu me semblait rouge pour un petit moment. C'était, je le sais, risqué, mais que  vaudrait un embouteillage sans son lot de cacophonie? J'ai donc nargué le code, l'interminable attente. J'ai jeté un coup d'oeil. Là, immobile le visage comme plastifié, des écouteurs fichés dans les oreilles, le regard fixe, un homme sans âge et peut-être encore jeune et pas tout à fait vieux, se tenait à quarante-cinq degrés, pas plus, pas moins, sur son siège. Les deux mains posées sur le volant comme collées, il ne bougeait pas. Il ne cillait pas. Il ne souriait pas. Sa chemisette blanche ne marquait aucun pli. Sa voiture blanche était sans tâche. L'intérieur noir sans l'ombre d'une poussière absorbait la lumière.

Je me suis rendue compte alors que la file avait avancé devant moi...

Mais je ne pouvais me résoudre à ne pas attendre un mouvement de l'homme plastique. Tout à coup, sa file a démarré. La cacophonie des klaxons derrière moi s'amplifiait alors que je lisais sur la portière gauche de son véhicule qui avançait: thanatopracteur. Un frisson m'a secouée. J'ai calé, là, bêtement... Dans ma tête se mêlaient de bien étranges images. Mais jamais je crois n'avoir autant pensé que quelqu'un avait à ce point investi son métier!

MCR 31 août 2011