Je ne crois pas à l'innocence des mots!

Publié le par mcr-ecriturekaleidoscope

286785_2249359_medium.gifVoilà! Ce doit être dit!

 

Tous ces mots écrits, murmurés, chuchotés, sussurés, récités, scandés, aboyés, hurlés, martelés, serinés, rabâchés, placardés, ampoulés, enluminés, stéréotypés, photocopiés, conspués, volés, éthérés, envolés, dévoyés, outranciers, meurtriers... sont tous porteurs d'un germe de dangerosité.Qu'ils se fassent calins, langoureux, interrogatifs, déclaratifs, informatifs, ils ne sont pas inoffensifs.

 

J.L.Austin le révèlait dans son "Quand Dire, C'est Faire". Les mots ont cette propension à avaliser une pseudo-réalité, à nous rendre aveugles, à nous ensorceler, à nous leurrer, à nous faire voir la lune en plein jour. Nous en sommes gavés et en redemandons, affamés que nous sommes de leur musicalité, de leurs connotations et de leur quasi permanence. Nous sommes si perméables qu'il suffit de nous abreuver de quelques formules invasives pour que nous restions enchaînés et captifs d'un discours, d'un roman, d'un twitt ou d'un post! Nous sourions aux éloges, nous vibrons aux mots tendres et perdons pied au silence!

Qu'ils se disent ou s'écrivent, ils infléchissent nos activités et nos journées. Ils tournoient la nuit et s'emparent de nos rêves. Ils se construisent des mondes subjectifs et modifient notre réalité jusqu'à nous rendre leurs futiles jouets. Notre engouement est tel que parfois il doublent les murs de nos pièces en étagères de livres et s'amoncellent en piles de magazines dans les espaces les plus incongrus de nos demeures, aucun n'est à l'abri!

Dans la cuisine, les appels à la gourmandise se parent de couleurs alléchantes et ouvrent à tous les voyages gustatifs! Au diable, les régimes!

Dans le couloir, débordant du vide poche, s'empilent les requêtes, rappels et publicités pour mieux consommer et se protéger de tout sauf de leur irruption dans notre univers privé! Réagissez, consommez mieux!

Dans le salon, pas très loin de l'appareil cathodique qui diffuse les images et les mots, il est là, le journal qui répète à loisir le programme et entretient l'idée qu'en lisant le résumé nous sommes libres de penser et de choisir! Indices d'écoute, guerre des ondes!

Jusque dans les lieux les plus reculés, ceux dans lesquels on s'isole avec pudeur pour se livrer à des activités si communes mais indicibles, on les retrouve! Parfois très illustrés pour rendre à la vie une légèreté qu'elle ne peut nous offrir en ces moments de grandes solitudes, les mots se regroupent en pages rapides sous une forme encyclopédique dans le "WC Book" annualisé! Ils s'affichent en légendes mordantes, ironiques ou aguichantes sous des photos de mannequins décharnés et retouchés pour nous vanter cette élégance éphémère du temps!

Et puis il y a tous ceux, témoins muets de nos émois passés, de nos voyages intérieurs, de nos idéaux, de nos escapades en solitaire qui, enfermés, sous une couverture cartonnée ou brochée se remettent à palpiter dès que le regard se pose sur le titre.

Ceux-là sont amis... Même si souvent leur rencontre fut une révélation, un déchirement, une stupeur...

 

Et puis il y a tous ces petits mots.

A leur façon, candides et enjoués, ils parlent de tendresse, d'amour, de comptines et de déclarations d'amour! Que je les aime! Ils sont comme déposés sur des morceaux de feuilles, quelques fois quadrillées, minuscules baisers d'enfants, tendresse exaltée, chaleur renouvelée  à chaque lecture, rire et douceur!

Non, je ne crois pas à l'innocence des mots!

Ils sont si puissants!

J'en ai un besoin viscéral...

Publié dans humeur

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